À quoi rêvent les pandas ?
Vanasay Khamphommala / Denis Raisin Dadre / Peng Zeke
Dans l’obscurité, un cœur bat. C’est celui d’un panda qui part découvrir le monde, ses joies, ses peines, et ses créatures : un singe, un crocodile, un phœnix. Lorsqu’une étrange fumée verte vient mettre en péril leur habitat, les animaux doivent rassembler leurs forces pour ramener l’harmonie dans la nature.
En participant au spectacle À quoi rêvent les pandas, créé en Chine en 2017, j'ai eu la chance de découvrir l'ensemble Doulce Mémoire, basé à Tours, et le Théâtre d'ombres du Hunan, une troupe chinoise qui pratique l'art traditionnel de la marionnette inscrit au patrimoine immatériel de l'Unesco. J'ai réalisé le travail de création lumière en étroite collaboration avec l'équipe technique du théâtre de Changsha où nous répétions. En échangeant sur nos techniques respectives d'éclairage, nous avons fait de nos différences culturelles une force.
Mise en scène Vanasay Khamphommala
Direction artistique Denis Raisin Dadre
Direction du théâtre d’ombres Peng Zeke
Lumière Juliette Besançon
Design des ombres et décors Wu Ni
Avec Clara Coutouly, Miguel Henry, Denis Raisin Dadre, Bruno Caillat, Jianghong Man, Shunhua Xiao, Ke Xiao, Fan Zhang, Jie Zou, Peng Zeke
Production Doulce Mémoire, Théâtre d’Ombres du Hunan
Photo de couverture © Philippe Cibille
En travaillant sur un spectacle de théâtre d'ombres, la question de la mise en lumière du dispositif était centrale. Le rétroéclairage de l'écran devait se faire par des sources diffuses, afin de masquer les manipulateurs derrière la surface translucide de la toile. Je profitais donc du matériel à LED – déjà très implanté en Chine – pour jouer sur les couleurs et faire évoluer l'imaginaire. Tantôt pastels, tantôt saturées, les teintes présentes sur l'écran accompagnaient la dégradation de l'environnement, la thématique écologique étant très présente dans notre histoire. Au premier plan, de chaque côté de la scène, j'ai choisi d'éclairer les musiciens par des sources à incandescence – fort heureusement, il en restait quelques-unes en état de marche au Théâtre du Hunan. Cette lumière plus organique me paraissait appropriée pour mettre en valeur la musique de la Renaissance. En faisant apparaître de différentes façons les musiciens aux côtés des marionnettistes, j'ai cherché à accompagner la symbiose entre les deux arts.
Pour se retrouver au-delà de leurs différences, les artistes chinois·e·s et français·e·s s’aventurent sur un terrain à la fois étrange et familier, intime et partagé : celui de l’enfance, ses émerveillements, sa mélancolie. Sur un répertoire qui laisse la part belle aux chansons et aux berceuses, les ombres colorées s’animent, comme un grand livre d’images sans parole. Avec la délicatesse et la simplicité pour guides, marionnettistes et musicien·ne·s ouvrent un espace où, au-delà des mots, les sensations et les émotions s’ouvrent grand.
Alors que ces personnages de cuir découpé, manipulés par plusieurs marionnettistes équipés de baguettes de bois derrière un écran rétroéclairé, viennent d’un art traditionnel d’un lointain pays, la cohérence est évidente avec le répertoire musical choisi par l’ensemble Doulce Mémoire. Cette cohésion s’appuie sur des éléments communs à tous, artistes comme spectateurs, venus d’Orient ou d’Occident : le choix de la forme de cette proposition, puisque le conte existe invariablement d’une culture à l’autre. Le choix de cette atmosphère perpétuellement onirique, comme une berceuse continue, entre la minutie de la manipulation de ce théâtre d’ombres et le mystère de cette musique ayant traversé les siècles. Entre délicatesse et poésie, entre découvertes et ouverture vers le monde et vers l’autre, le temps se suspend au musée du quai Branly.
Charlotte Saulneron, Resmusica le 3/11/2017