Sophonibe
Antoine Villard / Clémence Longy
Sophonibe a quinze ans. Alors qu’elle attend le bus après s’être disputée avec sa mère, deux ailes d’or lui poussent sur le dos. Sophonibe disparaît en plein ciel. C’est le début d’un voyage initiatique signant la rupture avec l’enfance. Un industriel fantomatique dans une usine envahie par les mouettes, un étrange chien noir ou un ancien désert enfoui dans le sous-sol de la ville sont autant d’énigmes à résoudre pour une adolescente en quête d’elle-même.
Mettre en lumière ce conte moderne écrit par Antoine Villard a été pour moi une très belle expérience. Aux côtés de Clémence Longy, j'ai tenté de faire ressortir toute la magie présente dans ce texte. Les brillances, les contrastes et les couleurs saturées ont été mes principaux outils pour faire voyager le spectateur à travers l'univers merveilleux présent dans la pièce. Chaque nouvel espace a permis de construire l'image de ce monde, reflet de ce que nous sommes profondément.
Texte Antoine Villard
Mise en scène Clémence Longy
Avec Ivan Hérisson, Kenza Laala, Clémence Longy, Julien Lopez, Antoine Villard
Son Caroline Mas
Lumière Juliette Besançon
Costumes Marie-Lou Meens
Scénographie Fanny Gamet
Assistanat à la mise en scène Célia Vermot-Desroches
Co-production Les Non Alignés/ Ville de Villeurbanne
en partenariat avec le Théâtre National Populaire
Photo de couverture © Abigaïl Auperin
La pièce Sophonibe est née lors de la résidence de la compagnie Les Non Alignés à Villeurbanne, au contact des habitants et d’élèves de collège et de lycée. De ce travail qui avait pour thème « Lâchés dans la nature ! », la compagnie a tiré un spectacle épique mis en scène par Clémence Longy. En maniant habilement l’esthétique du conte, Antoine Villard interroge cet idéal impossible et nécessaire : passer à l’âge adulte sans renoncer au bonheur.
L’image qui me semble la plus puissante dans l’univers poétique présenté et développé par Antoine Villard, c’est celle des Enfers comme une immense décharge, sorte de caverne d’Ali Baba inversée, où viendrait s’échouer tout ce que nous perdons de ce côté-ci du miroir. Serait-ce que l’étrange caniche qui y a sa tanière a des manies de pie voleuse ? Serait-ce qu’il existe un passage entre ce monde-ci et l’au-delà, où glisserait négligemment tout ce que l’on croit posséder pour toujours ? Ou bien est-ce seulement l’idée, généreuse et réconfortante, que nos deuils sont tous d’une importance équivalente, que nous passons nos vies à nous défaire de ce à quoi nous tenions, que chacune de ces pertes est une métamorphose, et que si grandir, c’est sans doute abandonner beaucoup de nos croyances premières, c’est aussi, à travers cette ascèse souvent douloureuse, pouvoir nous regarder enfin nous-mêmes, dans un miroir où aucun filtre ne vient plus maquiller nos visages, imparfaits mais humains ? C’est tout cela qu’il s’agit de représenter dans le spectacle Sophonibe, et ce n’est pas rien. Il faudra croire à la magie de cette usine désaffectée, à son volcan souterrain, à son cerbère éboueur. Il faudra croire aux histoires merveilleuses du Patron, aux vidéos loufoques de Raoul, à la bienveillance gênante de Maman. Il faudra croire enfin que Sophonibe a des ailes, et la croire sur parole, pour que, le théâtre aidant, au moment de quitter la salle, si on n’est pas tout à fait sûr d’avoir bien vu les siennes, on se demande pourtant où sont passées les nôtres.
Clémence Longy