Quatre comédiens autour d'une table, éclairage chaud et froid lumineux

Grand Pays

Faustine Noguès / Collectif le Bleu d'Armand

2022
présentation

          Un jour, en France, la solidarité est devenue un délit. Et Cédric Herrou en est devenu, malgré lui sans doute, le symbole. Ses procès ont permis au Conseil Constitutionnel de se prononcer pour la première fois, le 6 Juillet 2018, sur la valeur constitutionnelle du principe de Fraternité. Les personnages de Grand Pays rencontrent des situations les poussant à venir en aide à autrui. Trois histoires insolites et absurdes auxquelles chacun est confronté du fait de l’inadéquation entre la réalité et les règles de l’administration ; des faits qui les mèneront devant la justice. Malgré leurs divergences idéologiques, les protagonistes vont s’allier pour faire reconnaître légalement le principe de Fraternité par le Conseil Constitutionnel, et obtenir leur relaxe. Grand Pays fait renaître sur scène le débat du procès du délit de solidarité et présente la complexité de la question de l’engagement militant et de la désobéissance civile. Pourquoi nous engageons-nous ? Pour l’autre ou pour nous-mêmes ?

distribution

Texte Faustine Noguès
Interprétation et mise en scène David Bescond, Nolwenn Le Doth, Anna Pabst, Thibault Patain
Création sonore et vidéo Nicolas Maisse
Création lumière Juliette Besançon
Scénographie Claire Gringore
Costumes Anne Dumont
Assistante à la mise en scène Faustine Noguès
Régie lumière Clément Lavenne

Production  Collectif le Bleu d'Armand

Photo de couverture © Kevin Buy

Quatre comédiens costumés en sages éclairés en rose sur fond bleu

"Mesdames monsieur les sages, il nous est demandé de juger de la constitutionnalité de deux articles du
Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile" © Kevin Buy

           L’histoire de Cédric Herrou constitue à mes yeux un prisme qui permet de comprendre les réalités engendrées en France par le rétablissement du contrôle aux frontières. Elle révèle le caractère illégal des actions mises en place par l’État qui n’hésite pas à reconduire à la frontière italienne des mineurs isolés ou des personnes manifestant le souhait de déposer une demande de droit d’asile auprès de la préfecture française. Ce qui m’inspire avant tout ici, c’est l’absurdité administrative et la façon dont des citoyens en prise avec la réalité sont contraints de palier les manquements de l’État, de se placer en situation d’illégalité, pour faire respecter des droits constitutionnels. En somme, je m’intéresse à des situations où la réalité du terrain vient se frotter à des directives politiques et administratives inappropriées, kafkaïennes, obligeant à l’illégalité.
           Dans mes écrits, je suis attachée à l’usage de l’humour, même dans le traitement des sujets les plus graves, pour sa capacité à insuffler du décalage et de la distance qui permettent selon moi, de mieux voir la chose peinte. Je cherche donc à créer des situations à la fois révoltantes et drôles.

Faustine Noguès

Homme éclairé en latéral derrière trois personnages en silhouette
"C'est une honte ce qui se passe ici ! Une honte ! L’État n’assume pas ses responsabilités !" © Kevin Buy
Portrait d'un comédien éclairé en latéral chaud
"Quelle égalité quand on protège la propriété privée davantage que la dignité humaine "? © Kevin Buy
Quatre comédiens autour d'une table, ambiance lumineuse tamisée, entre chaud et froid
"Je propose que nous alignions les valeurs de la République sur la réalité. Changeons de devise. Remplaçons Liberté, Égalité, Fraternité par Libéralisme, Privilèges, Individualisme !" © Kevin Buy

          Cédric Herrou est un personnage qui a un ton. En 2020 sort son livre Change ton monde, dans lequel il raconte son parcours humanitaire. Il dira dans la presse que la forme du récit s’est imposée à lui, il était hors de question d’écrire, comme le suggérait son éditeur « un essai sur l’immigration et l’asile, un truc très gauchiasse » (Le Monde, 26 décembre 2020). Dans ce livre, il raconte la première fois qu’il a pris en stop une famille qui marchait sur le bord de la route : « Mais que font ces gens-là sur la route ? J’ai cru voir des gosses… La nuit est si obscure, ils n’ont pas de lampe, j’ai peur qu’ils se fassent écraser. Fait chier. »
          Fait chier. C’est de là que je pars pour écrire le texte. Cédric Herrou ne se lamente pas, ni sur les épreuves traversées par les personnes qu’il aide, ni sur son sort à lui qui enchaîne les passages devant la justice. Il ne s’épanche pas en déplorations. Il dit juste « fait chier » en voyant des gens en danger sur une route sans éclairage, il arrête sa camionnette, et il s’excuse de les faire monter au milieu de caisses d’œufs. C’est aussi simple que ça. Fait chier. Pourquoi, à l’école, nous apprendre fièrement la devise Liberté, Égalité, Fraternité, pour nous demander par la suite de tracer notre route quand celle-ci croise celle d’individus en danger, simplement parce que ces derniers sont considérés comme des personnes en situation irrégulière ?

Faustine Noguès

Trois comédiens dans un décor de tribunal lumineux, le juge est projeté en vidéo sur l'arrière plan

"Aujourd’hui dans la vallée de la Roya, l’Etat donne aux agents de police des ordres les

poussant à bafouer le droit." © Kevin Buy